La chute de la biodiversité n‘épargne pas la Lorraine. L’urbanisation, l’agriculture intensive, le changement climatique fragilisent les milieux naturels et les espèces qui vivent au sein de ces milieux. Depuis 1984, le Conservatoire des espaces naturels de Lorraine (CEN) tente une stratégie : acheter des sites naturels ou les louer pour assurer leur protection et celle de leurs habitants.
La roselière qui borde l’étang Romé, au cœur de la forêt domaniale de la Reine en Lorraine est un havre de quiétude pour de nombreuses espèces. Sa présence est indispensable à la préservation d’une biodiversité variée. Photo Séverine Kichenbrand
L’étang Romé, un exemple d’acquisition foncière réussie
C’est le plus grand et sans doute le plus beau des étangs de la forêt domaniale de la Reine qui en compte une quarantaine. L’étang Romé, a été acheté en 2014 par le Conservatoire d’espaces naturels de Lorraine (CEN) pour un peu plus d’1,5 million d’euros. L’acquisition a permis de rétablir la fonction écologique de l’étang. On ne peut venir ici qu’à pied ou à vélo. Avec ses 80 ha de nature préservée dont 30 ha de roselière, l’étang Romé situé sur le territoire de la commune de Royaumeix dans le Toulois, est un site de reproduction.
« On y trouve des espèces rares en France comme le butor étoilé, des oiseaux paludicoles comme la Rousserolle turdoïde ou encore des busards des roseaux, révèle Damien Aumaître, chargé de mission pour le conservatoire d’espaces naturels de Lorraine, responsable de la Meurthe-et-Moselle. Si le CEN a choisi de protéger cet étang, c’est en grande partie pour son immense roselière ».
Un refuge pour de nombreuses espèces protégées
Avec la raréfaction des zones humides, de nombreuses espèces trouvent refuge dans ce sanctuaire entre terre et eau sur lequel flottent des nénuphars protégés, des rainettes vertes, des grenouilles rousses, des crapauds et tritons. Depuis sa création au XIIIe siècle, l’étang Romé a servi de gîtes à de nombreuses espèces. Il aurait été aménagé par les moines de Rangéval sur les argiles de la Wöevre. « À l’époque il a sous douté été créé pour assainir les zones marécageuses de fond de vallée et pour produire du poisson, révèle Damien Aumaître ».
Une tradition piscicole
Propriétaire des lieux depuis 2014, le Conservatoire d’espaces naturels de Lorraine perpétue cette tradition piscicole. « L’étang est pêché au filet tous les deux ans en novembre, poursuit le spécialiste, le pisciculteur qui l’exploite répond à un cahier des charges précis ». La zone ultrasensible écologiquement est riche en brochets, perches, tanches, et gardons. « Il n’y a pas de carpes. Nous cherchons à préserver les caractéristiques écologiques de l’étang ? explique Damien Aumaître, il y a un équilibre à trouver entre les poissons et les autres espèces qui vivent sur l’étang. L’enjeu c’est de préserver un maximum de biodiversité. »
Toujours dans une optique d’équilibre écologique, l’étang du Rome a été totalement vidangé il y a une dizaine d’années. « Cela a permis de minéraliser les vases, note Damien Aumaitre et d’éviter un déséquilibre en oxygène ».
La chasse interdite
Si aux abords de l’étang, dans la forêt de la reine, on peut croiser des chats sauvages, des martes, des putois, des fouines et du gros gibier comme des chevreuils, des cerfs et des sangliers, l’étang est interdit à la chasse. « Nous travaillons en collaboration avec l’ONF mais aussi avec les chasseurs, précise Damien Aumaître. L’étang est une zone de quiétude. La chasse au gibier d’eau est interdite et celle au gros gibier est autorisée uniquement pour sortir les sangliers des roselières. Les canards viennent hiverner et le refuge est fréquenté par des grues cendrées qui se reposent dans les vasières ».
En lisière de forêt, un couple de pygargues à queue blanche s’épanouit. C’est l’un des derniers en France. « Les espaces comme celui-là sont rares, confirme Damien Aumaître, c’est précisément ce que cherche le CEN, des hauts lieux de biodiversité à protéger. Le fait d’être propriétaire du site nous permet de prendre part à toutes les réflexions comme celle sur le schéma des eaux de la forêt de la reine ». Bien gérer pour maintenir le patrimoine naturel, c’est l’une des missions du conservatoire d’espaces naturels lorrain.
La rainette verte
En voie de régression en Lorraine et dans le Grand Est, la Rainette verte affectionne les plaines humides et son réseau d’étangs, de mares et de haies. Plusieurs sites protégés par le CEN Lorraine, notamment le réseau d’étangs dans la Wöevre et le Pays des étangs ont permis de sanctuariser des sites de reproduction. Photo François Schwaab (CEN).
Le butor étoilé
Le butor étoilé niche au sein des roselières inondées. Cet échassier discret et rare en France est quasi exclusivement présent dans les étangs de la Wöevre, en Meuse. Les étangs protégés par le CEN Lorraine concentrent la grande majorité des observations de nidification de cet oiseau en Lorraine. Photo Hervé Bernardini (CEN).
Le petit agreste
Le petit agreste est un petit papillon en voie de disparition en Lorraine. Il est régulièrement observé sur seulement trois pelouses calcaires protégées par le CEN Lorraine. Il n’a pas été observé ailleurs en région. Photo David Demerges CEN.
La vipère aspic
En limite nord de répartition mondiale en Lorraine, la vipère aspic affectionne les pelouses calcaires bien exposées et ensoleillées. Le réseau de pelouses protégées par le CEN Lorraine lui est favorable et permet son maintien dans la région. On en trouve notamment sur les pelouses calcaires d’Arnaville. Photo Mariana Miranda d’Assuncao CEN
Un article rédigé par un journaliste du L'Est Républicain.